Il y a des visages qu’on n’oublie pas, même des années après avoir quitté les écrans. Désir Bastareaud, c’est un de ceux-là. Derrière sa carrure imposante et son surnom décalé, “Giant Coocoo”, se cachait un homme drôle, attachant, et incroyablement sincère. Retour sur le parcours d’un personnage culte, aussi unique à l’écran que dans la vraie vie. Giant Coocoo est certainement le personnage le plus marquant et le plus atypique dans cet univers AB édulcoré.
Une enfance entre rires et racines
Désir Bastareaud naît en 1967 à Fort-de-France, en Martinique. Enfant vif et curieux, il baigne dès le plus jeune âge dans une ambiance joyeuse, entre blagues de tonton, musique zouk à la radio, et séries françaises à la télé. Très vite, Désir développe un goût prononcé pour la comédie et l’imitation. Il refait les voix de ses profs à la récré, déclenche les fous rires en classe — bref, il a le sens du show. Et quand on mesure 1,22 m, il vaut mieux avoir de l’humour et de l’autodérision si on veut survivre aux mots parfois malveillants des autres… Désir commence rapidement dan sle monde du spectacle en intégrant un cirque qui passait aux Antilles. Désir donna, pendant 2 ans, la réplique à un clown, avec un boa dans les bras.
Vers ses 19 ans, sa famille s’installe en région parisienne et désir suit. Le choc culturel est réel, mais Désir garde son sourire en bandoulière. En tout cas, une chose est sûre, Désir poursuit son rêve de théâtre et ne chôme pas ! Très rapidement, il est embauché au théâtre pour jouer dans « La Princesse Turandot » avec Andréa Feréol. Il passe du théâtre à l’opéra en un claquement de doigts et accompagne Pavarotti ou encore Placido Domingo à travers l’Europe. Il apprend même l’italien, le hollandais et l’anglais. Désir ne fait jamais les choses à moitié… On a également pu le voir à la TV. Désir fait quelques apparitions dans des pubs rigolotes du début des années 90 (vous vous souvenez du gars qui rate son bus parce qu’il danse sur un paquet de chips ? c’était lui !). Il décroche aussi un rôle secondaire dans une pièce de boulevard jouée à la télé dans Les Jeux de 20 heures.
Désir, le bien nommé !
Peu de gens le savent — ou préfèrent l’oublier — mais après la fin du Miel et les Abeilles, Désir Bastareaud fait une incursion éclair dans le monde du porno. Oui, oui, le Giant Coocoo qu’on regardait à la télé familiale se retrouve au générique de quelques films classés X, tournés entre 1975 et 1991, souvent sous pseudonyme (on parle notamment de “Big D” ou “Monsieur Désir”). Il a même tourné un film avec Catherine Ringer, « L’inconnue » en 1982.
Pourquoi ce choix étonnant ? D’après les rares confidences qu’il aurait faites à un ami proche, il traversait alors une période financièrement compliquée, et ce milieu lui a tendu la main. “J’ai fait ça sans honte, mais sans en faire un drapeau non plus,” aurait-il dit. Une manière pour lui de rester libre, quitte à choquer. Certains réalisateurs du genre ont même témoigné de son professionnalisme sur les tournages, et de l’ambiance “bon enfant” qu’il instaurait. Mais c’est lors d’un atelier théâtre amateur à Ivry-sur-Seine qu’un producteur de sitcom le repère. Désir se rend au casting, sans trop y croire. Et pourtant…
🐝 Giant Coocoo dans Le Miel et les Abeilles : un ovni hilarant
Si la série Le miel et les abeilles fonctionne très bien, Jean-Luc Azoulay trouve que la série manque un peu de piquant. Il se met alors en tête de rechercher un personnage totalement barré, riche en couleur et inoubliable. Il veut un mélange de Mister T et de Benny Hill. Le rôle de Giant Coocoo est né. Et dès les premiers essais de Désir, c’est une évidence; le rôle est fait pour lui. Dès sa première apparition, Giant Coocoo détonne. Avec sa salopette et son tee shirt jaune, ses chaussures trop grandes et son rire tonitruant, il s’impose comme un personnage aussi imprévisible qu’attachant. C’est le cousin éloigné d’Annette, débarqué des Antilles avec une philosophie de vie basée sur “la noix de coco et la bonne humeur”.
“On m’a dit ‘tu dois être fou, mais gentil’. Alors j’ai été fou, et les gens ont adoré”, racontait Désir dans une interview à Télé Loisirs en 2001.
Giant Coocoo est celui qui fait exploser les gâteaux dans le micro-ondes, qui médite dans le frigo, et qui croit que les abeilles parlent si on leur chante du Kassav’. Un jour, il a même tenté de construire une fusée dans le salon (“pour aller polliniser la lune”). Derrière le rire, Désir prend son rôle à cœur. Il apporte une vraie humanité à son personnage, le rendant attachant même dans ses absurdités.
Une anecdote croustillante ? Il improvisait souvent ses répliques ! “Les scénaristes me laissaient carte blanche. J’ajoutais des expressions créoles et ça les faisait hurler de rire en coulisses.” Il arrive même que des prises soient conservées avec les techniciens morts de rire en arrière-plan — un joyeux bazar, comme l’esprit AB.
Après les projecteurs : discrétion, sagesse et dernier adieu
Quand Le Miel et les Abeilles s’arrête en 1994, Désir se fait rare. Il refuse plusieurs rôles stéréotypés. “Je ne voulais pas être l’idiot de service à vie,” confia-t-il à un ami. Il retourne un temps en Martinique, ouvre un petit restaurant à Schoelcher, “Chez Giant”, où il cuisine lui-même et raconte des histoires aux clients. Il participe à quelques pièces de théâtre local, puis revient en métropole en 2000 pour donner des cours d’expression corporelle dans une école de théâtre à Montreuil. Une autre facette de lui : pédagogue, bienveillant, un mentor adoré de ses élèves. Désir Bastareaud s’éteint en 2005, à 51 ans, des suites d’un accident de voiture. Une disparition brutale, qui attriste toute une génération de fans. La nouvelle circule discrètement, comme lui. Pas de tapage médiatique, juste des hommages sincères sur les réseaux sociaux. Son ancienne partenaire de jeu, Mallaury Nataf, lui rend hommage dans un post bouleversant : “Désir avait un cœur immense. Il était le seul à me faire rire même quand je pleurais. Merci mon géant.”
Désir Bastareaud n’était pas une star comme les autres. Il était… à part. Et c’est pour ça qu’on s’en souvient.
Nom : Désir Bastareaud
Date de naissance : 1er juillet 1953
Décés : 24 février 2005
Sitcom : « Le miel et les abeilles »
Single : « C’est choucroute » (mais ce CD reste un mystère. Personne ne semble l’avoir variment entendu…
